Le Languedoc (tout comme les Pouilles en Italie) était et est recouvert de vignes de mauvaise réputation. Plein.

ici la vallée de l'agly, qui est bien belle aussi dans la vraie vie (mais où il y a trop de vent).

L'Etat bienveillant, quand il n'envoyait pas l'armée pour mater les raleurs qu'on voulait bien affamer, s'est chargé de réformer, et l'on a fait planter en pagaille des cépages neufs, d'autres régions, à grands coups de subventions et de cahiers des charges restrictifs, de Plan de la dernière chance après d'innombrables audit... Qui ont tout changé aux paysages et au goût. Mais qu'empêche pas les vignerons de crever de faim, c'est ça l'astuce...

D'abord, ce sont les hybrides d'après le phylloxera qui ont été bannis, pour d'obscures raisons (on a avancé qu'ils rendaient fous. Il y a aussi l'hyppothèse qu'un cep qui ne demande aucun traitement n'arrange pas tellement nos industriels... bref).

Puis on a arraché le Carignan, Cinsault, Oeuillade. Les gobelets centenaires... On a dit que ça produisait trop, vraiment. Les viticulteurs ont achevé de se scier le pied, en palissant (foutre des fils partout) et en coupant, à la tronçonneuse, les bras des souches, pour mécaniser (avec l'incroyable progrès qu'est la machine à vendanger, qui permet de boire aussi le jus des feuilles et des asticots)...

Aujourd'hui, les cépages locaux sont donc bien souvent écartés au profit de l'incontournable syrah pour les rouges (jusque dans le roussillon), parfois pire (du merlot bordel!), et d'une foule de cépages blancs.

Le problème, c'est que la syrah, dont le terroir le plus emblématique est au sud de Lyon, porte dans son patrimoine génétique celui de la mondeuse, cépage de savoie.

Bref, notre syrah des montagnes froides est descendu jusqu'au Roussillon, où elle crève de soif dans la vallée de l'Agly ou sur des schistes. Rarement mures (malgré la "diva de la syrah" à Saint Pargoire, la Petite Sibérie et les quelques exceptions au nord du Languedoc en Pic Saint Loup et Terrasses du Larzac) elle nous fait une pleiade de vin moyens, tièdes, aux tanins verts. Palissé en cordon de royat, la syrah s'emmerde et pleure ses coteaux de la vallée du rhône.

A ma gauche, les terrasses des Cotes du Rhone du nord, avec murets et échalas. A ma droite, syrah en cordon de royat sur un sol mort (desherbé) en plaine sèche. Devine donc quel vin sera le meilleur?

Les blancs post-réforme, sur-mûrs bien souvent, sont aussi brulants d'alcool, gras, lourds, imbuvables. Les vins de pays inondent de Sauvignon et de Chardonnay qui sanglottent le Sancerre et le Chablis.

Comme si l'administration avait voulu faire l'exact inverse de la situation au début du 20ème siècle : au lieu de faire de la flotte d'aramon et de cinsault à 8°, le Languedoc fera du vin sur-concentré, avec quelques raisins pas mûrs de cépages en souffrance et quelques grenaches, qui titra quand même son 15°...

Alors maintenant, après l'épisode cépages bordelais voulu par une administration (merlot et cabernet nous voila), l'épisode bourguignon voulu par une autre (chardonnay et pinot über alles) et bien un doute vient poindre : et si les arracheurs de ceps étaient un peu cons? Et si ces cépages inadaptés étaient inadaptables - tous maladifs, chétifs, poussifs...? Et si les gens ils veulent boire des goûts différents selon les terroirs par exemple?

Et si les vignerons en avaient marre de planter des vignes qu'ils faut attacher tout le printemps, et traiter tous les deux jours...

Sur les cailloux, le Grenache et le Carignan poussent comme du chiendant. Pareil pour le Cinsaut. Et les blancs peuvent se boire si ça se trouve.

Il est symptomatique que l'un des pionniers du Pic Saint Loup (à Mortiès) soit revenu de sa syrah pour revenir aux gobelets avec son nouveau domaine Le Plan de l'homme. Et de l'oeuillade (mais il n'a pas trop le droit de le dire), et du carignan blanc en surgreffage (il peut pas le dire non plus). Je n'ai jamais gouté ses vins... mais ça me donne envie.

A ma gauche, gobelets au printemps à La Fontude, près du Salagou. A ma droite, gobelets en automne/hiver au plan de l'homme, terrasses du Larzac. Sur sols vivants... Soif?

Bref tout ca pour dire qu'il existe des vins qui donnent envie d'être bu - et pas à mâcher - en Languedoc, avec des cépages du cru, même parfois d'un peu plus loin.

Ex pour le ravissement : le cinsault du Domaine de la Fontude

le terret bizarre de Beauthorey dans Tourtourel

le grenache blanc de Sigalière

le viognier (qui vient pourtant d'aussi loin que la syrah) de Pelletier à Saint-Chinian

le carignan du même dans ses Coccigrues

et surement des tas de Clairette et d'Oeuillade, ou d'autres trucs...

(tous sans intrants en vignes et peu souffrés en cave).

Voila;

Gobelet canal historique, joie!

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