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Le Chien, blog participatif
8 février 2012

Le malentendu

   Ceci est une forme de continuation du vieux truc posté il y a longtemps et qui s'appelait "Hérédité, hasard, mon amour".

   Il avait été question il y a peu - oralement - de la postérité de Fante père auprès des néo-nationalistes, la faute à quelques extraits pas piqués des vers sur les "nègres".

   Pour dire aussi que j'avais toujours été surpris - consterné serait surement plus juste -, du fait que les camions estampillés CGT qui devancent les cortèges s'échinaient à passer des chansons de Trust. Ces gens, qui le passent, et qui le fredonnent derrière, n'ont vraisemblablement jamais lu les livrets de Trust. Ils se seraient sûrement rendus compte que Trust dégueulait les ouvriers syndiqués. Mais soit...

   Dans le même ordre d'idée on m'a fait découvrir récemment Vladimir Vissotski. Ce bonhomme, acteur et dissident en URSS a fait une petite carrière soviétique sous le manteau. Ses obsèques ont réuni, sans mot d'ordre ni aucun caractère officiel, entre 200 000 et 1 000 000 de types, dans le silence, dans un pays où on ne manifestait pas tout à fait comme on le voulait. Les obsèques spontanées, cela me fait toujours penser aux mineurs descendus fêter Zola au cri de "Germinal", lorsqu'on l'a conduit au panthéon (rappelons qu'à cette occasion, un mec intéressant en a profité pour tirer sur Alfred Dreyfus...).

   Bref. Grâce à un mariage français, le monsieur a le droit de quitter provisoirement l'URSS. Et où le retrouve-t-on en France? A faire la fête de l'Humanité sur la grande scène, à la fin des années 70... Le même type dont on se transmet les cassettes en cachette, dont les concerts sont interdits, fait en France un triomphe sur la scène d'un journal qui a passé 40 ans de sa vie à se cacher les yeux et se boucher les oreilles sur les crimes et censures de "copains". Et qui titrait encore au moment du Printemps de Prague, que "l'ordre était revenu"...

 

   Bon : imaginons, les Who (qui finissent, je l'espère sur My generation), et juste derrière, bim : Vladimir Vissotski. Tout seul avec une guitare (entendu que, vous le savez, les Who ont inventé le Rock'n'roll joué le plus fort possible, sur le mur d'ampli le plus haut, à la limite de l'intenable, afin d'inaugurer une sorte de transe acoustique - et qui vaudra de chouettes acouphènes à Townshend dès ses 40 ans).

   Et qui commence à éructer, évidemment, sa Chasse au loup (voir http://www.youtube.com/watch?v=4NHdZHNN5Gw et http://www.youtube.com/watch?v=ECEMphsSZgQ pour une traduction en français, d'assez mauvaise qualité d'ailleurs), allusion la moins déguisée au régime soviétique.

   Or si nous sommes bien habitués à ce qu'en France les chanteurs vivent leurs machins et hurlent, personne n'avait, à ce jour, entendu autant de consonnes - d'où consécration.

 

Vladimir VissiotskiCombien beaucoup d'amour?

   Donc un barde de la dissidence "anti-communisme réel" s'en va chanter, énervé, seul au milieu du festival du quotidien communiste français, et fait un tabac - sûrement personne n'avait rien compris à ce qu'il racontait, c'est vrai.

   Rebondissement : Maxime Le Forestier est un homme qui a écrit, il y a longtemps, deux ou trois chansons, dont il estime qu'elles lui méritent encore reconnaissance et fortune. Avant, il avait fait son Mai 68 comme d'autres font leur droit ou Polytechnique : cela ouvrait des portes, et donnait, dans le même temps, raison à Jean Ferrat, qui, prophète, prédisait en 1967 "Fils de bourgeois ordinaire, fils de Dieu sait qui, vous mettez les pieds sur terre tout vous est acquis. Y compris le droit de vous taire pour parler au nom, de la jeunesse ouvrière pauvres petits cons" avant de conclure majestueusement par un lapidaire "Fils de bourgeois ordinaire pour qui nous savons, vous voterez comme vos pères pauvres petits cons".

   Donc Maxime Le Forestier est aujourd'hui un grabataire qui putasse dans les médias les plus putassiers afin de continuer à faire chauffer sa popotte. Il braillait sur la télé réalité quand il pensait que cela pouvait payer, avant d'aller pointer à la Star Ac quand sa major décidait que le jeu en valait la chandelle. Et quand il s'est agit de défendre la loi Hadopi - qui ouvrait pourtant bien les portes à la surveillance des données personnelles sur internet, Maxime, s'est rappelé au bon vieux temps des paras, et est retourné au front. Et il n'y est pas allé avec le dos de la cuiller, accusant les partageux d'être rien de moins que pétainistes. Oui madame. Tu ne vois pas le rapport, mais tu dis d'accord.

(en parlant de la nomenklatura 68, j'ai entendu il y a pas très longtemps notre Cohn-Bendit national au parlement européen sermonner Viktor Orban, l'apprenti sorcier de Hongrie, en disant qu'il faisait courir à son pays de graves risques etc... et comparant donc le monsieur à Chavez et Castro. Bon, moi, je veux bien, mais quitte à causer d'un dirigeant à penchant autoritaire, ultra-nationaliste et donc antisémite, j'aurais pas pris ces deux là... je dis ça je dis rien...).

   Et c'est là qu'on s'amuse : parce que qui c'est qui a traduit le Vladimir Vissotski, celui qui était la grande star de l'URSS sans jamais avoir eu le droit de sortir un album, et dont les gens partageaient les cassettes en secret pour pas un kopeck... ("Transbahutez vos idées comme de la drogue!" disait Léo vers la même époque). Maxime Le Forestier. Le même qui sur ma radio préférée (Europe 1) allait répétant qu' "On peut très bien consommer en payant etc..." qu'il faut bien payer pour tout, et que c'est mieux comme ça, on voit pas pourquoi la culture ferait autrement. Qu'on a des gosses nous aussi... et finir par un surprenant "Il n'y a pas de repas gratuit !".

   Tout ça, que de bien prévisible, va plus ou moins dans le sens d'un ancien patron de magasins à "produits culturels", qui paraphrasant Proudhon lâchait : "La gratuité, c'est le vol". Vous devinerez jamais que le Denis Olivennes qui avait commis cette joyeuse sentence, et en avait fait le titre d'un bouquin, ancien patron de la FNAC, et ben il travaille pour Lagardère désormais, et c'est même lui qui s'occupe d'Europe 1. Confondant, non...

   A l'opposé, et pour se représenter ce qu'est un Samizdat (ces auto-édition recopiées à la main ou ronéotypées) il faut rappeler que, avec la censure, les soviétiques avaient créé une sorte de culture souterraine en s'échangeant des bribes d'oeuvre au péril de leur situation sociale, voire de leur vie (le dernier procès Siniavski Daniel, pour avoir contribué à faire connaître des oeuvres interdites, date de 1966 - la peine encourue était encore la déportation). Et quand on sait que parmi ses oeuvres dont la notoriété est née de ce marché souterrain, il y a Soljenitsine et Evguenia Guinzbourg (soit pas tout à fait la littérature la plus abordable, les managers diraient aujourd'hui qu'elle n'est pas trop bankable...), on peut penser que c'était un drôle de geste rock'n'roll que de dealer des mauvaises cassettes de Vissotski (au sens de mal enregistrées) entre trois pages de l'Archipel du goulag et deux feuillets du Ciel de la Kolyma...

   Tout ça pour dire que Vissotski a chanté ses traductions françaises : et des fois ça sonne comme du Arno, mais avec des sons plus bizarres encore (et des arrangements pas spécialement baisants). 

http://www.youtube.com/watch?v=KIxloPaTZZ4

http://www.youtube.com/watch?v=qz2u4HvVkEM

Non décidemment, plus rien ne va, pour vivre comme un homme droit, plus rien ne va, pour vivre comme un homme doit...



Pour conclure differemment, et sur le même thème, souvenons nous de cette chanson Ederlezi, qui accompagne un joli passage de l'assez mauvais Temps des Gitans de Kusturica.

http://www.youtube.com/watch?v=9pdaSZHBIAU&feature=related

Et que l'on fait passer pour une chanson traditionnelle serbe... et une chanson traditionnelle tzigane. Alors qu'elle a vraisemblablement été écrite par Goran Bregovic à la fin des années 80 (même si inspirée du folklore yougoslave). Nationalistes serbe et tziganes la chantent donc séparemment lors de la fête de l'Ederlezi (pour les tziganes) et de la Saint-Georges (pour les orthodoxes), comme morceau vivant de leur patrimoine respectif.

Après tout les Canuts a bien été écrite par Bruant à la fin du 19ème, mais tout le monde préfère penser qu'elle s'est chantée sur les barricades (avant que des "Chansons historiques de France" ne le rééditent en version martiale, le tout sous le parrainage de papounet Le Pen. http://www.youtube.com/watch?v=HjNuE28K10M).

Eh oui.

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  • Le Chien est un blog supplémentaire ou dire des choses à plusieurs sur des sujets plus ou moins intéressants. Il n'est pas nécessaire de le lire. Ce devait être un journal, mais ca a raté. Donc c'est autre chose. Débrouille toi avec ça.
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